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L’atteinte cardiaque dans la sclérose systémique

Tamara Grodzicky, MD, FRCPC
Rhumatologue
Clinique des connectivites
Hôpital Notre-Dame, Centre Hospitalier de l’Université de Montréal

 

SYMPTÔMES D’ATTEINTE CARDIAQUE

La sclérodermie (ou sclérose systémique) est une maladie caractérisée par des anomalies du fonctionnement des petits vaisseaux sanguins ainsi que du système immunitaire (globules blancs et auto-anticorps), menant ultimement à une fibrose excessive de la peau et de divers organes, tels que les poumons, le tube digestif, les reins et le cœur. Les manifestations cardiaques sont fréquentes chez les patients atteints de sclérodermie (environ 15% à 35% des malades) et surviennent aussi bien dans la forme limitée que diffuse de la maladie.  Cependant, l’atteinte cardiaque peut être silencieuse chez certains, occasionnant peu de signes et de symptômes. Lorsque les problèmes cardiaques causent des symptômes plus évidents, l’évolution est souvent plus grave. Il est donc important que les patients soient vigilants et portent à l’attention de leur rhumatologue certains symptômes-clés tels que:

  • palpitations ou sensation que les battements du cœur sont irréguliers ou anormaux
  • douleurs intenses à la poitrine
  • essoufflement inhabituel lors d’effort physique
  • essoufflement au repos
  • enflure indolore des pieds et des jambes (œdème).

 

Il faut savoir que des problèmes cardiaques très différents peuvent causer des symptômes identiques. Le médecin procédera donc à une évaluation systématique pour déterminer la cause sous-jacente de ces symptômes et décidera du traitement le plus approprié.

La majorité des complications cardiaques chez les personnes sclérodermiques sont dues non pas à un problème primaire au niveau du cœur, mais plutôt à un problème situé au départ en-dehors du cœur, c’est-à-dire l’hypertension artérielle systémique (HTA, ou haute pression quand la pression est vérifiée au bras) ou l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP, ou haute pression dans les artères des poumons, qui doit être mesurée par échographie du cœur, ou échocardiogramme). Dans le cas de l’HTA, le traitement est basé sur le contrôle de la haute pression (éviter le sel et prise de médicaments anti-HTA habituellement très efficaces). Dans le cas de l’hypertension artérielle pulmonaire, différents traitements sont possibles, y compris les antagonistes des récepteurs de l’endothéline comme le bosentan ou encore les prostacyclines. Nous avons déjà couvert en détail le sujet de l’HTAP et son traitement dans un numéro précédent du Bulletin, disponible à: sclerodermie.ca/information/articles-et-publications/latteinte-pulmonaire-et-son-traitement-dans-la-sclerose-systemique-deuxieme-partie/

 

CAUSES D’ATTEINTE CARDIAQUE PAR LA SCLÉRODERMIE

Les problèmes cardiaques reliés directement à une atteinte du cœur par la sclérodermie sont :

  • péricardite – inflammation de l’enveloppe du cœur ou péricarde
  • épanchement péricardique – accumulation d’eau dans l’enveloppe du cœur
  • fibrose du myocarde – dépôts de collagène dans le muscle cardiaque
  • insuffisance cardiaque – épuisement du cœur, dû à l’HTA, l’HTAP ou la fibrose
  • troubles du rythme cardiaque – dus à la fibrose, à l’HTAP ou à toute autre atteinte du cœur
  • myocardite – inflammation du muscle cardiaque.

 

Ces conditions médicales sont importantes à reconnaître et sont décrites pour guider les patients à déterminer quand ils doivent consulter leur rhumatologue. Chez une même personne, plusieurs anomalies peuvent aussi survenir en même temps.

Péricardite : la péricardite survient lorsqu’il y a inflammation de l’enveloppe du cœur ou péricarde. Le symptôme principal qui suggère la présence de péricardite est une douleur constante à la poitrine, non-reliée à la prise des aliments ni à l’effort, et qui est accentuée par l’inspiration profonde et la position couché sur le dos.

Épanchement péricardique : l’épanchement péricardique résulte d’une péricardite plus sévère qui occasionne l’accumulation de liquide autour du cœur, c’est-à-dire dans le péricarde. Les symptômes sont ceux de la péricardite et peuvent s’accompagner d’essoufflement plus ou moins sévère selon les dimensions de l’épanchement.

La péricardite et l’épanchement péricardique peuvent être dépistés par le questionnaire et l’examen physique faits par le médecin, et ils sont confirmés par l’échocardiogramme, qui est un examen simple et non douloureux qui permet de voir le cœur sur un écran à l’aide d’un micro appliqué sur la poitrine. Dans notre expérience, le traitement le plus efficace de ces conditions est souvent la prednisone (cortisone) à petite dose. Lorsque l’épanchement du péricarde est plus volumineux, et qu’il y a danger de compression du muscle cardiaque par le liquide, ou encore si la cause du problème n’est pas certaine (infection?), il peut être indiqué de procéder à une évacuation du liquide par ponction avec une aiguille à travers le thorax. Ceci est effectué par le cardiologue. Rarement, une péricardite constrictive survient, c’est-à-dire que l’inflammation et la fibrose du péricarde compriment le cœur tellement fort qu’il a de la difficulté à pomper le sang et que la vie est en danger. Cela peut nécessiter une chirurgie pour décomprimer le cœur.

Fibrose du myocarde : le durcissement du muscle cardiaque (myocarde) causé par le dépôt de collagène (substance fibreuse comme une cicatrice) dans certaines régions du cœur est une atteinte typique de la sclérodermie. Elle s’apparente à la fibrose de la peau (sclérodermie) et d’autres organes déjà décrits dans les Bulletins précédents. Cette fibrose peut être minime et sans conséquence clinique, mais elle peut parfois entraîner des problèmes plus graves lorsqu’elle est plus étendue (insuffisance cardiaque et troubles du rythme). Il n’y a pas de traitement spécifique à date pour freiner la fibrose cardiaque reliée à la sclérodermie, quoique certains médicaments utilisés dans le traitement du Raynaud (pour dilater les vaisseaux, comme la nifédipine) pourraient être bénéfiques selon certaines études.

Insuffisance cardiaque : lorsque la fibrose du cœur est plus étendue, elle peut résulter en une baisse de la capacité du cœur à se contracter adéquatement (insuffisance cardiaque). Ceci peut occasionner de la fatigue, de l’essoufflement lors d’efforts physiques ou même au repos, des palpitations et du gonflement indolore (enflure ou œdème) des pieds et des jambes. Il est donc important de rapporter ces symptômes au médecin rapidement pour une évaluation cardiaque. Il existe des traitements très efficaces pour l’insuffisance cardiaque, qui améliorent la fonction du cœur, diminuent l’essoufflement et réduisent l’enflure.

Troubles du rythme : les battements réguliers du coeur sont déterminés par un système de conduction électrique dans le coeur. Lors du test électrocardiogramme, c’est le passage de ce courant électrique qui est mesuré. La fibrose du myocarde associée à la sclérodermie peut empêcher ou retarder le passage du courant électrique entre les différentes parties du cœur. Ceci peut engendrer des troubles du rythme du cœur ou « arythmies ». Ces arythmies peuvent être ressenties par les malades comme des palpitations plus ou moins rapides, des battements cardiaques irréguliers, ou des pauses entre les battements cardiaques, parfois accompagnées d’autres symptômes tels que : essoufflement, étourdissements, douleurs à la poitrine, sensation de faiblesse ou même évanouissement. Lorsqu’un trouble du rythme est soupçonné, le médecin demandera des examens précis pour déterminer le type d’anomalie (électrocardiogramme, ou moniteur de type « Holter » pour enregistrer les battements cardiaques pendant 24 à 48 heures). Des examens plus spécialisés par des cardiologues pourraient parfois être nécessaires. Un traitement spécifique avec des médicaments anti-arythmiques, accompagnés ou non d’anticoagulant (médicament pour éclaircir le sang), pourrait être indiqué selon les trouvailles aux examens. Parfois la pose d’un pacemaker est nécessaire, particulièrement lorsque la fibrose cause des battements trop lents du coeur.

Myocardite : l’inflammation du muscle du cœur ou « myocardite » est rare dans la sclérodermie. Elle se manifeste par les signes et symptômes d’insuffisance cardiaque et/ou de troubles du rythme et est associée à l’augmentation de certains marqueurs spécifiques dans le sang (enzyme CPK et troponines). Le diagnostic définitif nécessite une biopsie du cœur faite par cathétérisme cardiaque. Le traitement est à base de prednisone (cortisone) à fortes doses et de médicaments pour contrôler le fonctionnement erratique du système immunitaire (médicaments immunosuppresseurs).  

CONCLUSION

Mis à part la péricardite et l’épanchement cardiaque léger, les différents problèmes cardiaques associés à la sclérodermie, après avoir été dépistés par le rhumatologue, nécessitent en général une consultation et un suivi conjoint en cardiologie. Étant donné l’évolution parfois silencieuse des différentes anomalies cardiaques chez les patients sclérodermiques, il est important de faire une évaluation ciblée environ une fois par année. Ceci implique un questionnaire et un examen physique médical dirigés (vérification de la pression artérielle, examen du cœur et des poumons avec le stéthoscope, recherche de gonflement des pieds et des jambes). L’examen physique peut être complété par certains examens de dépistage tels que l’électrocardiogramme, la radiographie des poumons et l’échocardiogramme. Des examens plus poussés et spécifiques sont parfois nécessaires (Holter, cathétérisme cardiaque, coronarographie) selon l’opinion du cardiologue pour préciser le diagnostic. Certains examens spécialisés sont réservés pour des circonstances plus complexes (imagerie du cœur par résonnance magnétique ou SPECT).

La prise en charge des problèmes cardiaques chez les patients sclérodermiques est un travail d’équipe impliquant à la fois le rhumatologue, le cardiologue et le malade. Une bonne communication et collaboration entre les différents membres de cette équipe, ainsi que la recherche future, assureront le diagnostic, les meilleurs traitements et une évolution optimale.

Le Bulletin de Sclérodermie Québec – Automne 2009, volume 13, numéro 2, pages 4 et 5

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