La Chaire de recherche en sclérodermie
La Chaire de recherche en sclérodermie
1. La Chaire – qu’est-ce que c’est ?
C’est avant tout une reconnaissance publique de l’importance de la sclérodermie comme maladie grave dans la société, et de la nécessité de faire de la recherche médicale du plus haut niveau pour mieux comprendre les mécanismes de la maladie et développer de nouveaux traitements.
A l’initiative de Sclérodermie Québec, la Chaire a été mise sur pied au début des années 2000. Les signataires de la convention de chaire sont l’Université de Montréal et sa Faculté de médecine, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), le Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) et Sclérodermie Québec.
Au niveau financier, la Chaire est un fonds capitalisé d’une valeur de 1.6M$ à l’Université de Montréal et dont les intérêts sont versés annuellement au titulaire de la Chaire pour financer la recherche. Au départ, la Chaire a été mise sur pied grâce à des dons du CHUM, de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et particulièrement grâce aux dons individuels provenant de malades et du public recueillis par Sclérodermie Québec.
2. Quels sont les objectifs visés par la Chaire ?
L’objectif principal est d’améliorer la qualité de vie et l’espérance de vie des personnes atteintes de sclérodermie.
Afin d’atteindre cet objectif, la Chaire utilise les moyens suivants :
- amplifier et accélérer la recherche clinique (avec les malades) et la recherche fondamentale (au laboratoire) de haut niveau,
- attirer les meilleurs médecins et chercheurs,
- assurer la permanence et la continuité de la recherche.
3. Quel est le titulaire de la Chaire ?
Le titulaire est Jean-Luc Senécal, MD, FRCPC, professeur titulaire au département de médecine de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, rhumatologue au CHUM et chercheur au CRCHUM. Le centre des activités de recherche de la Chaire est situé à Montréal au CRCHUM et au CHUM.
4. Y a-t-il des exemples concrets de découvertes et de progrès accomplis en recherche grâce à la Chaire ?
En voici quelques exemples, publiés dans les meilleures revues médicales internationales.
Première description de la sclérodermie au Canada français.
Cette étude portant sur plus de 300 malades a décrit la sclérodermie au Québec et permis d’identifier dès le diagnostic certaines manifestations fortement annonciatrices d’un haut risque de mortalité. L’équipe traitante peut donc intensifier les traitements et le suivi chez ces personnes à risque, pour améliorer leur espérance de vie (1).
Identification des facteurs prédictifs de la sclérodermie chez les personnes atteintes de phénomène de Raynaud isolé.
Cette étude majeure, qui fait école, utilise les autoanticorps circulants typiques de la sclérodermie et les anomalies capillaires décelées par capillaroscopie pour identifier plusieurs années à l’avance les personnes qui sont en train de développer la sclérodermie. Cette étude permet donc de faire maintenant un diagnostic précoce de la maladie au stade de « présclérodermie » et ouvre la porte à des traitements nouveaux pour arrêter la sclérodermie dès son début (2).
Les autoanticorps anti-centromères favorisent les complications vasculaires de la sclérodermie.
Les quatre grands mécanismes pathophysiologiques qui causent la sclérodermie sont l’autoimmunité (attaque du système immunitaire contre la personne, avec notamment présence dans le sang d’autoanticorps hautement spécifiques de la maladie, tels que les anticentromères et les antitopoisomérase I ou anti-topo), les anomalies microvasculaires, l’inflammation et la fibrose. Pour une raison inconnue, les malades porteurs des autoanticorps anti-centromères sont particulièrement à risque de complications vasculaires sévères, telles que les ulcères des doigts, et de mortalité par hypertension artérielle pulmonaire. L’équipe de recherche a découvert que les complexes immuns formés par les autoanticorps anti-centromères et la protéine centrométrique B contre laquelle ils sont dirigés, favorisent un processus d’oblitération vasculaire à bas bruit mais continu, pouvant ainsi expliquer comment ces autoanticorps contribuent aux manifestations vasculaires sévères de la sclérodermie (3).
Les autoanticorps anti-topoisomérase I ont des propriétés pro-inflammation et pro-fibrose.
Les malades porteurs des autoanticorps anti-topo sont particulièrement à risque de mortalité par fibrose des poumons, mais le mécanisme en est inconnu. L’équipe de recherche a découvert que les complexes immuns formés par les autoanticorps anti-topo avec la topo elle même ont des propriétés qui favorisent l’inflammation et la fibrose continues, pouvant ainsi expliquer comment les anti-topo circulants contribuent aux manifestations de la sclérodermie (4).
Copier la sclérodermie humaine chez la souris.
Un des grands défis scientifiques de la sclérodermie est l’absence d’un modèle animal qui en reproduise fidèlement les quatre grands mécanismes. Un bon modèle animal permet des expériences que l’éthique ne permettrait pas chez l’humain (telles que déclencher une sclérodermie), donne accès à un niveau de complexité biologique plus grand que ce qui est possible en éprouvette et permet l’essai thérapeutique de nouveaux médicaments curatifs et même préventifs, dont le succès fournit alors une justification scientifique forte pour passer à un essai chez l’humain.
En collaboration étroite avec Marika Sarfati, MD, PhD, du Laboratoire d’immunorégulation du CRCHUM, et grâce à une importante subvention de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada, l’équipe a réussi à copier la sclérodermie humaine chez la souris en développant un nouveau modèle qui en reproduit les quatre anomalies cardinales. Utilisant des cellules immunitaires dendritiques chargées en topo et injectées dans les souris, ce modèle novateur reproduit notamment la production d’autoanticorps anti-topo, de même que l’inflammation et la fibrose de la peau et des poumons typiques des malades porteurs des autoanticorps anti-topo. Quatre semaines de sclérodermie dans ce modèle sont équivalentes à environ quatre années de sclérodermie chez l’humain, d’où une diminution majeure du temps requis avec le modèle pour les essais de nouvelles molécules thérapeutiques à venir (5).
Ces travaux de recherche ont aussi été soutenus par Sclérodermie Québec. Scleroderma Society of Ontario, Scleroderma Society of Canada et Scleroderma Association of Saskatchewan.
5. Y a-t-il d’autres exemples concrets de l’utilité de la Chaire dans la lutte contre la sclérodermie ?
Excellence des soins. La Chaire contribue à créer dans le service de rhumatologie du CHUM un centre d’excellence en diagnostic et en soins de la sclérodermie. Les malades reçoivent de leurs rhumatologues les meilleurs soins grâce à une équipe médicale multidisciplinaire hautement qualifiée et à l’avant-garde des connaissances.
Enseignement de pointe. Tous les résidents dans le programme de surspécialisation en rhumatologie apprennent à diagnostiquer et traiter de manière experte la sclérodermie et, au terme de leur formation, appliquent dans leur pratique rhumatologique leurs connaissances au profit des malades. Pas moins de 35 nouveaux jeunes rhumatologues œuvrant maintenant au Québec ont été ainsi formés depuis l’établissement de la Chaire.
Formation de la relève. La Chaire attribue des bourses d’études aux meilleurs étudiantes et étudiants à la maîtrise et au doctorat, contribuant ainsi à la progression des connaissances et à la relève.
Acquisition d’un équipement de recherche exceptionnel. Les accomplissements de la Chaire en recherche, l’excellence de son équipe de recherche et son rayonnement international ont permis de susciter un don privé exceptionnel de 400 000 $ attribué par Sclérodermie Québec à Dre Marika Sarfati et au titulaire de la Chaire. Ce don, jumelé à une importante subvention de la Fondation canadienne pour l’innovation, a permis au CRCHUM l’acquisition à l’automne 2018 d’un appareil FACSymphony de Becton-Dickinson. Il s’agit d’un analyseur cellulaire multiparamétrique haut de gamme et d’avant-garde, qui peut déterminer jusqu’à 50 caractéristiques d’une seule cellule. D’une valeur de 1.5M$, cet appareil a une distribution très restreinte au Canada. Il va permettre notamment à l’équipe de recherche de mieux déchiffrer, tant dans le modèle expérimental que chez les malades, les mécanismes moléculaires et cellulaires complexes de la sclérodermie dans le but d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles.
6. Référence
1. Scussel-Lonzetti L, Joyal F, Raynauld JP, Roussin A, Rich É, Goulet JR, Raymond JR, Senécal JL : Predicting mortality in systemic sclerosis : analysis of a cohort of 309 French Canadian patients with emphasis on features at diagnosis as predictive factors for survival. Medicine (2002) 81: 154-167.
https://insights.ovid.com/pubmed?pmid=11889414#
2. Koenig M, Joyal F, Fritzler MJ, Roussin A, Abrahamowicz M, Boire G, Goulet JR, Rich É, Grodzicky T, Raymond Y, Senécal JL. Autoantibodies and microvascular damage are independent predictive factors for the progression of Raynaud’s phenomenon to systemic sclerosis. A 20-year prospective study of 586 patients with validation of proposed criteria for early systemic sclerosis. Arthritis Rheum (2008) 58: 3902-3912.
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/art.24038
3. Robitaille G, *Christin MS, Clément I, Senécal JL, Raymond Y. The nuclear autoantigen centromere protein B (CENP-B) transactivates the EGF-receptor via chemokine receptor 3 in vascular smooth muscle cells. Arthritis Rheum (2009) 60:2005-2016.
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf.10.1002/art.24765
4. Arcand J, Robitaille G, Martial Koenig, Senécal JL, Raymond Y. The autoantigen DNA topoisomerase I interacts with chemokine receptor 7 and exerts cytokine-like effects on dermal fibroblasts. Arthritis Rheum (2012) 64:826-834.
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/art.33377
5. Mehta H, Goulet PO, Mashiko S, Desjardins J, Pérez G, Koenig K, Senécal JL, Constante M, Santos MM, Sarfati M. Exposure to antibiotic limited to early life causes intestinal dysbiosis and exacerbates skin and lung pathology in murine experimental systemic sclerosis. J Invest Derm (2017) 137:2316-2325.
https://www.jidonline.org/article/S0022-202X(17)31854-7/pdf
Le financement de la Chaire de recherche en sclérodermie est assuré, entre autres, par le soutien financier de Sclérodermie Québec et de ses partenaires. Grâce aux dons recueillis lors de ses activités de financement et aux dons de ses généreux donateurs, Sclérodermie Québec peut aussi contribuer au financement de divers travaux de recherche prometteurs. Pour voir la liste des principales subventions de recherche accordées par Sclérodermie Québec, cliquer ici.
Grâce aux progrès réalisés en recherche, on constate depuis quelques années une hausse dans le taux de réussite des traitements ainsi qu’une amélioration de l’espérance de vie des malades. Malgré tout cela, aucun traitement curatif n’existe encore et il est toujours impossible d’enrayer définitivement la sclérodermie. Voilà pourquoi le soutien financier est crucial pour la poursuite de recherches en sclérodermie.
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